Sous forme de blog, la patiente construction d'un site de ressources sur Mike Oldfield, entrecoupée de points de vues personnels.
"Tubular Bells", album sorti le 25 mai 1973, est un jalon important de l'histoire de la musique rock. En Angleterre, Mike Oldfield reste "the man who did Tubular Bells" ; en France et ailleurs il est moins exclusivement lié à ce seul disque. Qu'a t'il de si remarquable ?
On l'oublie aujourd'hui, mais Tubular Bells a été dans les années 70 un immense succès commercial. L'album s'est vendu en quelques années à dix millions d'exemplaires (plus de vingt aujourd'hui, la réédition CD aidant). Bon certes, aujourd'hui ce chiffre paraît petit : Coldplay ou Dido par exemple vendent facilement cinq millions d'albums sans révolutionner la musique. Il faut cependant replacer ce chiffre dans le contexte de l'époque : la consommation de musique n'avait pas une telle masse, pas de vidéos clips etc... Au titre de ce succès, Mike Oldfield a été admis dans le Who's Who anglais avec Paul Mc Cartney.
Il faut aussi rappeler que c'est le succès de Tubular Bells, un des quatre premiers disques publiés par le débutant label Virgin (numéro de catalogue V2001), qui a permis à Virgin de devenir l'empire qu'il est aujourd'hui. Richard Branson serait certainement devenu riche sans Oldfield, mais sans doute pas, par exemple, au point de fonder une compagnie aérienne comme il l'a fait...
Tubular Bells a été notable musicalement pour au moins deux raisons :
- C'était la première fois qu'un musicien interprétait seul tout les instruments d'un disque : ils sont listés au dos de la pochette : à part une flûte, une batterie et les choeurs féminins, Mike Oldfield joue toutes les guitares, basses, claviers, percussions, carillon, cloches, choeurs etc... Pour cette raison, l'enregistrement a été épique à une époque qui ne connaissait pas le séquenceur et autres techniques avancées. Par ailleurs, Mike Oldfield était un jeune musicien de dix-neuf ans au moment de l'enregistrement. La musique est pourtant surprenante de maturité !
- C'est un disque de pure musique instrumentale. C'est devenu courant aujourd'hui avec notamment tous les pionniers et enfants des synthétiseurs dont la plupart ont émergé peu après Oldfield (Vangelis, Jarre etc) mais en 1973 c'était vraisemblablement une première dans la musique rock. Les groupes de rock progressif (Yes, Genesis) ou Pink Floyd proposaient certes déjà de longues compositions symphoniques mais il y avait toujours des parties chantées !
Et la musique ?
En gros, on peut dire que c'est une symphonie pour piano, orgues et instruments rock ! Le disque propose deux parties de durée à peu près égales (25 minutes), souvenir du temps où les disques avaient deux faces !
La première partie commence par le célèbre motif piano-glockenspiel (carillon) qui allait servir de thème au film l'Exorciste (il est d'ailleurs curieux que ce thème soit si lié au film alors que l'on y entend qu'une seule fois au début et discrètement). Ce motif tourmenté se répète en s'étoffant au fur et à mesure de guitares. Puis par d'habiles transitions Mike Oldfield nous fait visiter d'autres contrées musicales, plus paisibles ou plus agitées.
Au bout de onze minutes, alors que sonne à nouveau le thème d'introduction, vous avez déjà entendus des dizaines de mélodies différentes ! D'autant que Mike Oldfield a le talent de superposer les mélodies : si vous prêtez l'oreille vous découvrirez que l'accompagnement à peine audible derrière chaque motif principal est une autre mélodie complètement différente... cette technique de composition est une influence avouée de la 5e symphonie de Sibelius, que Mike a beaucoup écouté dans sa jeunesse.
Certains passages sont brefs alors que d'autres s'étirent en longueur et sont assez répétitifs (Philip Glass, de l'école répétitive éant une autre influence de Mike). C'est le cas du thème qui commence à la dix-septième minute et qui vous emmène jusqu'à la fin de la première partie : une basse et un orgue tracent un thème répétitif sur lequel, au bout de trois minutes, retentit la voix du "maître des cérémonies" Viv Stanshall qui annonce "Grand Piano" (piano à queue). Et le piano à queue fait son entrée, joue sa mélodie et s'en va. Et ainsi de suite avec une douzaine d'instruments (qui reprennent la même mélodie) à chaque fois annoncés par Stanshall !L'apothéose est atteinte quand Stanshall annonce finalement "plus... Tubular Bells !" : déferlement de cloches tubulaires et choeurs féminins achèvent cette première partie.
Ce final de huit minutes est un moment essentiel du disque au même titre que son intro. Je pense que c'est à cause de ce final que des critiques ont parfois fait le rapprochement avec le boléro de Ravel. Dans les années 70, certains trouvaient intéressant de faire l'amour sur Tubular Bells et de réussir à jouir au moment où arrivent les cloches !!!
La deuxième partie, plus courte d'une minute trente, et surtout très différente de la première dans la construction. Alors que la première partie propose de nombreux thèmes courts et enchevêtrés, la deuxième contient cinq parties bien identifiables, plus longues et reliées par des transitions rapides.
Elle commence par un thème absolument charmant et poétique tissé par une mandoline et plusieurs guitares classiques. Au bout de huit minutes et une transition qui fait revenir les choeurs féminins, un nouveau thème plus répétitif est joué par des "guitares sonnant comme des cornemuses". Au bout de trois minutes, ce thème se met à tourbilloner alors que les percussions s'accélèrent et s'énervent. On entre alors dans la section de "l'homme des cavernes" ! C'est ici le seul passage contenant une batterie rock ! Sur des échanges de piano et de guitares électriques, Mike Oldfield de livre a de petits délires vocaux : hurlements de loups, cris rauques, borborygmes néandertaliens ! Entre ces "couplets", on trouve les solos de guitares les plus énergiques du disque ! Après un dernier solo et un long cri, la musique devient d'un coup silencieuse : sur un orgue langoureux, Mike tisse un admirable et dernier développement à la guitare électrique (elles se démultiplient en fait), très pur et mélodieux.
Le cinquième et dernier thème de cette deuxième partie est en fait un morceau quasi indépendant : "The Sailor's Hornpipe" est un thème traditionnel qui rappelle la musique de "Popeye". La mélodie y est reprise encore et encore, de plus en plus vite, jusqu'au limite de la virtuosité de Mike Oldfield, guitariste hors pair !
Ce disque fait date dans l'histoire de la musique rock, mais surtout dans la carrière de Mike Oldfield qui a l'inconvénient de débuter par l'album qui restera son plus gros succès... Tantôt il sera agacé d'être tout le temps associé à cet album, tantôt il en profitera pour nous ressortir sa version orchestrale, ses "suites" (Tubular Bells 2 puis 3) puis récemment la "compilation" Tubular Bells (regroupant des extraits de ses déclinaisons, versions lives, suites...). Pour les 30 ans de cette oeuvre, le 25 mai 2003, Mike Oldfield a cette fois réenregistré "Tubular Bells" avec des moyens modernes. C'est John Cleese (ex-Monthy Python) qui jouer le "Maître des Cérémonies" et annonce les instruments à la fin de la première partie ! La pochette, oeuvre du photographe Trevor Key, montre une cloche tubulaire repliée sur elle même (normalement c'est un tube droit). Cette forme deviendra par la suite quasiment l'emblême, le logo de Mike Oldfield. A l'origine, l'idée viendrait de Mike Oldfield, qui avait tordu des cloches tubulaires du studio, car il les frappait avec un maillet en acier pour les faire sonner plus fortement. Trevor Key a illsutré cette idée de tube tordu en lui donnant cette forme de boucle. la composition générale, sur fond de ciel nuageux et de mer agitée semble inspirée du "Château des Pyrénées" de Magritte.
Le titre de l'album est celui qu'a voulu mike Oldfield (bien qu'en studio il se référait à cette oeuvre sous le nom "d'Opus One") alors que Richard branson avait poussé l'idée d'intituler le disque "Breakfast in Bed" et de l'illstrer d'un oeuf à la coque d'où dégoulenirait du sang. Mike Oldfield utilisera un dérivé de ce concept de façon ironique pour la couverture de 'Heaven's Open', son dernier album sous contrat Virgin.
Ma cotation de cet album : 8/10