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Sous forme de blog, la patiente construction d'un site de ressources sur Mike Oldfield, entrecoupée de points de vues personnels.

Article du MELODY MAKER, octobre 1975

Beyond the Ridge, portrait d'un génie
Par Karl Dallas

(MELODY MAKER, 25 octobre 1975)

Mike Oldfield l'a refait ! Après Tubular Bells, qui a explosé au hit-parade, et Hergest Ridge vient Ommadawn. Et ici, Oldfield discute de son nouvel album avec Karl Dallas.

 


"THROW 'EM?" demanda l'homme dans le pub, quand nous lui demandâmes la route. "Oh, vous voulez dire Thruff 'em, du côté où vit ce Peter Wyngarde, là où ce nouveau type qui fait de la pop vient de s'installer. On espère qu'il ne trame pas les mêmes bêtises.

Thruff 'em épelé Througham, est la nouvelle retraite campagnarde de Mike Oldfield, et la rumeur a rapidement fait le tour des habitants du Gloucestershire que Mike Oldfield, celui connu pour Tubular Bells et Hergest Ridge, était venu s'installer parmi eux pour produire son quatrième chef d'oeuvre.

Oui, vous avez bien lu, j'ai dit quatrième.

Parce qu'un moment après qu'il se soit libéré de Hergest Ridge, Mike n'avait pas la moindre idée de ce qu'il allait faire ensuite -si encore il allait faire quelque chose- mais maintenant qu'Ommadawn, son troisièmealbum, est sorti, sa tête bouillonne à nouveau d'idées pour de futur albums. La seule chose qui l'arrête pour le moment est le temps qu'il lui faut pour adapter une vieille grange dans sa nouvelle maison à un studio 24 pistes.

The Beacon, où Mike avait enregistré la totalité d'Ommadawn (à l'exception des percussions Jabula, qui furent enregistrées dans la folie au Manor), était au bas d'une pente raide où tout a du être transporté à bras, pianos, meubles, tables de mixages et Dolbys.

Connaissant son attrait pour l'isolement, ce n'était pas une surprise que la nouvelle maison où il vient d'emménager se situe en contrebas d'une vallée, au bout d'une route qui se termine par un chemin de terre. C'est un bâtiment magnifique, en pierres grises, dont certaines parties datent du 13e siècle, avec un jardin ornemental à la française en train d'être restauré. Bref, juste le style d'endroit, où n'importe lequel d'entre nous irait s'installer s'il devenait le compositeur  le plus vendeur du 20e siècle, avec des disques d'or jusque dans les toilettes pour le prouver.

Non que la vie de château ne soit sans problème. Malgré le parfum de pain fraîchement cuit que les crêpes exhalaient depuis la cuisine, il apparaissait qu'il y avait de sérieux problèmes sur le front culinaire, comme pomper l'eau de la source, et toutes les tasses à thé devaient être rincées sous le filet d'eau d'un jerrycan prêté par un villageois amical du voisinage.

Personne ne savait où était passé Oldfield. Il était, comme on devait l'apprendre plus tard, parti rencontrer les habitants autour de quelques pintes de Guinness. Pour boire de la Guinness, ont sait qu'il est déjà parti jusqu'à Edinbourg sur un coup de tête quand le mixage ne se passait pas bien.

Ce sont ces caprices, quand il s'agit de s'accomoder des médias qui lui ont donné une mauvaise réputation auprès de ceux qui considèrent qu'une interview est une interview et pas le moment de discuter des nouvelles du coin.

Alors que pour Mike, tous les contacts humains se valent, et les affaires sérieuses sont quelque chose qu'il est tout à fait possible d'effectuer en même temps que les choses importantes de la vie, comme faire voler des modèles réduits ou monter à cheval (son hobby actuel, comme tout le monde va rapidement le remarquer en écoutant la face deux d'Ommadawn). Et, bien entendu, boire de la Guinness.

Oldfield, cependant, est maintenant presque prêt à répondre aux questions. Après s'être détendu en écoutant  Thomas Tallis et Magma et des morceaux d'Ommadawn, qu'il voulait faire écouter à Leslie Penning, le joueur de flûte, qui ne l'avait pas entendu depuis qu'il avait enregistré ses parties, nous sommes entrés dans le vif du sujet, mais pas avant  quelques considérations préliminaires sur le titre de l'album.

Où l'avait-il trouvé ? demandai-je, sachant bien (ou pensant savoir) que c'était le mot gaélique pour "le fou".

"Je l'ai d'abord vu écrit" dit-il, "sur un bout de papier, les mots que Clodagh Simonds avait inventé. Environ une semaine après ça, j'ai regardé les mots qu'elle avait écrit et je l'ai vu là, et j'ai pensé 'c'est un nom sympa'"

Savait-il ce qu'il voulait dire, à ce moment ?

"Ca ne veut rien dire", dit-il.

C'est du gaélique, maintenai-je. Amadan (prononcé ommadawn) veut dire "le fou."

"Non," réponda-t-il, "il y a un mot qui lui ressemble vaguement, qui est gaélique et signifie fou, mais Ommadawn ne veut rien dire."

Est-ce que le titre est venu avant qu'il ne commence à travailler sur ce projet?

"Non, c'était vraiment à la fin. Le morceau avec les percussions et les voix dessus, je l'ai fait deux fois, et j'ai fait les voix plusieurs fois pour qu'elles soient parfaites, et Clodagh a fini par arriver à minuit, pour travailler toute la nuit et rentrer à Londres tôt le lendemain matin parce qu'elle devait aller à son travail."

La dernière fois que nous avions discuté, juste après Hergest Ridge, il avait pensé qu'il était peu probable que son disque suivant serait une autre oeuvre épique (pour reprendre ses propres termes du moment). Et pourtant, maintenant le voici, avec une autre oeuvre épique. Comment est-ce arrivé ?

"Il semble que c'est ce qui s'est passé," dit-il. "Ca a commencé à prendre forme au début du mois de janvier. J'avais juste deux mélodies qui allaient ensemble à la guitare accoustique, et ça sonnait bien, et j'ai tout développé à partir de ça." Il fredonna les deux premiers thèmes de la face un pour illustrer.

A-t-il trouvé ça difficile ?

"Eh bien, j'ai eu des tas de problèmes, évidemment. J'ai fait la totalité de la face un deux fois. Je pense qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas, probablement avec la bande avant que je me la procure, ou alors il est possible que je l'ai passée tellement de fois, des centaines de fois, qu'elle a commencé à perdre ses oxydes, à être esquintée. Personne ne sait ce qui s'est passé. Mais c'est formidable que ce se soit passé comme ça, car autrement je ne l'aurai pas recommencé et ça n'aurait pas été moitié aussi bon. Ce que je veux dire, c'est que je l'aurai recommencé même si la bande n'avait pas été abîmée. Le premier essai devait être définitif, et quand je l'ai terminé, je l'ai écouté et réalisé que ça n'allait être qu'une démo. C'était quasiment un choc. Et je devais tout reprendre."

Précédemment, en se référant aux choses qu'il avait dites à l'époque d'Hergest Ridge, il avait dit que Tubular Bells représentait ses sentiments sur la vie en ville, tandis que le "Ridge" était une réaction au panorama qui lui avait donné son nom. Donc, que représente "Ommadawn" ?

"J'ai seulement supposé qu'ils pouvaient avoir ces sources d'inspiration", corrigea-t-il. "Je ne sais pas, vraiment. Je n'ai même pas de supposition pour le nouveau."

Quel était son était d'esprit pendant qu'il le composait ?

"Obsédé."

Par le fait de le faire?

"Mmm," acquiessa-t-il. "J'étais beaucoup pIus solide, personnellement, que quand je faisait les autres. Un peu plus confiant."

Confiant musicalement, ou personellement?

"Personellement."

Est-ce que cela veut dire qu'il s'est fait à toutes les choses qui lui étaient arrivées ?

"Non," ria-t-il.

Mais trouvait-il plus facile de faire avec la vie maintenant ?

"Je le pense, un petit peu. Je suis un peu plus solide. Je ne trouve plus tout aussi ahurissant qu'avant. Je commence à m'abituer un peu à être comme je le suis, ici."

Donc, il s'est fait à lui même, au moins ?

"Eh bien, j'ai juste commencé, vraiment. Je suppose que ce disque en est une image. La deuxième face, en particulier. Non, l'ensemble. Il n'a pas une tonalité aussi effrayée que les autres. Il sonne un peu plus solide."

Donc ce n'était pas une tentaive d'auto-thérapie musicale, comme il avait pu le suggérer au sujet de l'album précédent, mais plus un reflet de son état d'esprit actuel ?

"Eh bien, je ne sais pas. Je n'ai aucune idée de ce qui se passe. C'est une chose que je ne comprend pas, pourquoi je le fais et ce que ça représente quand c'est fini. C'est drôle."

Etait-il aussi satisfait qu'il l'était d'Hergest Ridge quand il l'avait terminé ? (un peu plus tôt, il avait réaffirmé sa satisfaction de cette oeuvre, bien qu'il parle maintenant de la remixer).

"J'en suis très satisfait. la seule différence est qu'après Hergest Ridge, je ne pouvais m'imaginer faire un album de plus. Mais après celui-ci, je peux m'imaginer en faire d'autres à la pelle. Je veux me mettre à un autre très vite. Donc ce n'est pas la fin, pour moi. Evidemment, il n'a jamais été question que je ne compose plus après Hergest Ridge, mais c'est un peu ce que j'avais ressenti. Mais, pour celui-ci, et surtout après l'avoir réalisé et avoir emménagé ici, à moins que je ne me crashe en voiture une nuit, je vais évidemment faire beaucoup de musique, affreusement beaucoup."

Des idées?

"J'ai quelques idées. Tu sais, ce sont juste des spéculations pour le moment, mais il devrait y avoir ici assez de place pour enregistrer avec un petit orchestre, et j'aimerais assez bien faire ça."

Partir en tournée ? Un mouvement de la tête. Il n'a jamais ressenti le besoin de communiquer directement avec son public.

"Pas avec un public. Je communique, en tête à tête, mais pas avec une grande masse de gens."

Nous discutâmes pendant un moment sur la chanson "horseback", qui va probablement plus faire l'objet de commentaires pour ou contre, que toute autre partie de l'album. Un peu plus tôt, Leslie Penning avait expliqué comment il avait initié Mike à l'équitation, et comment la chanson  lui avait renvoyé l'expérience si profondément qu'il avait pleuré, quasi littéralement, quand Mike la lui avait chanté.

"Je l'ai seulement découverte quand j'ai été sur le dos de ce grand animal," dit Oldfield.

Quelle était l'importance de cette chanson pour l'album ?

"Très importante. C'est comme si elle lui donnait un équilibre. Il y a eu comme un sur-pessismisme (sic) sur l'album, en particulier la fin de la première face, même si certains trouvent que ça les rend joyeux. Il y en a d'autres qui trouvent que ça les rend tristes. Ca m'a terrorisé à mort quand je l'ai fait. Quand j'ai joué la guitare électrique, j'ai trouvé ça vraiment effrayant. Je ne pouvais plus dormir. Et la chanson sur le cheval est un peu le contraire de ça. Peut-être pas le contraire, mais en tout cas, ça le compense. Il y a ce couplet dedans, 'some find it strange to be here' ('certains trouvent bizarre d'être là'). C'est certainement mon cas. Et c'est sans doute pour beaucoup dans le fait que je fais de la musique".

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V
Ommadawn est un album qui démontre que les sentiments peuvent ce traduire par la musique. Malheureusement les meilleurs choses ont une fin. "Incantation" sont 2 jolies gallettes mais c'est tout."tubular bell" dévoile un compositeur en pleine effervécence."hergest rigde" est plus posé."ommadawn" est un aboutissement "une thérapie". Un être qui ce met tout nu.Ensuite ce n'est que du tralala même si de très bonnes idées ce promènent dans les enregistrements qui suivent, l'atmosphère des 3 premiers albums n'est plus là.Cependant, "crises", "the killing fields" et "amarok" restent des albums particulièrement interréssant au niveau mélodie et innovant.Quel drôle de personnage que ce Mr Mike Oldfield
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E
C'est vrai qu'on le sent bien, équilibré et confiant.
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N
A l'époque, Karl Dallas était à peu près le seul à pouvoir recueillir autre chose que des borborygmes d'Oldfield !
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A
Belle idée que d'aller repiocher de vieux articles à la source. On sent un Oldfield assez confiant envers son interlocuteur.
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S
Vraiment super ce que tu fais, surtout pour un nul en anglais comme moi. Merci
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