Sous forme de blog, la patiente construction d'un site de ressources sur Mike Oldfield, entrecoupée de points de vues personnels.
Cela fait plus d'un an que des informations filtrent sur le développement du dernier projet de Mike Oldfield, et ce blog en a fait l'écho à plusieurs reprises.
Les plans médias se mettent en place en Espagne et en Allemagne, là où les albums de Mike Oldfield sont toujours très attendus. En France, la sortie de Music of the Spheres risque d'être aussi discrète que celle des derniers albums de Mike...
Pourtant je trouve que le dernier album de Mike Oldfield est plutôt un bon disque, nettement au dessus de ses dernières productions. J'ai eu la chance de disposer du contenu du disque il y a six mois et le plaisir de l'écoute de Music of the Spheres ne diminue pas avec le temps, contrairement à ce qui s'était passé par exemple avec The Millennium Bell qui m'avait plu aux premières écoutes, et m'avait rapidement lassé.
J'ai néanmoins quelques regrets autour de cet album. Je saisis donc ici l'occasion de dresser les qualités et limites que je lui trouve...
Le retour au long instrumental
Music of the Spheres propose un retour à une forme de musique que Mike Oldfield n'avait pas visité depuis l'époque des Tubular Bells 2 & 3 : un long instrumental, certes sectionné en morceaux de 3 à 6 minutes, mais tout enchaîné (en fait avec deux parties) et bénéficiant d'un minimum de cohérence assuré par la reprise d'un ou deux thèmes.
Les deux grandes parties sont d'ailleurs légèrement différenciées, comme pouvaient l'être celles de Tubular Bells et d'Ommadawn, par exemple.
Ainsi, la partie 1 de Music of the Spheres (26 mn), qui comprend les morceaux Harbinger, Animus, Silhouette, Shabda, The Tempest, Harbinger (reprise) et On My Heart semble plus dense et plus homogène ; elle recèle en chacune de ses pistes de forts contrastes, envolées épiques (Animus), passages mélancoliques (Silhouette) ou lyriques (Shabda, On My Heart). Elle fait la part belle au virtuose pianiste Lang Lang qui y déverse des cascades de piano. A plusieurs moments, la musique se rapproche de musique de films, du type de celle du Seigneur des Anneaux ou de celles de Danny Elfman...
La partie 2 de MotS (21 mn : Aurora, Prophecy, On My Heart reprise, Harmonia Mundi, The Other Side, Empyrean, Musica Universalis) contient autant de contrastes que la partie 1, mais ceux-ci se manifestent surtout au travers de morceaux plus individualisés surnageant de l'ensemble, comme Aurora (sans doute le morceau le plus traditionnement "oldfieldien" de l'album), Empyrean...
Les avantages du classique
Pour cet album, Mike Oldfield a abandonné claviers et ordinateurs. Il a confié toutes les partitions aux musiciens du Sinfonia Sfera et au pianiste Lang Lang, pour ne conserver que quelques notes de guitare acoustique et quelques notes de piano de-ci, de-là.
Il en résulte un album totalement joué "par de vrais doigts sur de vrais instruments" comme l'avait promis Mike Oldfield en 2006. Music of the Spheres y gagne un son authentique et humain, absent des derniers albums.
Par ailleurs, le recours à un orchestre symphonique conduit au retour d'instruments et de sonorités disparues ces dernières années : glockenspiel, flûtes, choeurs, cordes, etc. : l'album a bien souvent des fulgurances de Tubular Bells 2, ou de The Wind Chimes, où l'on entendait de tels instruments.
Enfin, et cela est sans doute du essentiellement au talent d'arrangeur symphonique de Karl Jenkins, ou à l'important travail de mixage de Mike Oldfield, l'orchestre délivre un son puissant, certains effets sont particulièrement réussis (on retrouve notamment les voix aériennes que Mike savait si bien mettre en place il y a longtemps) et cela confère une certaine grandeur orchestrale à Music of the Spheres, nettement au dessus du plat Orchestral Tubular Bells ou de Mont Saint-Michel.
Les inconvénients du classique
Certes, Mike a abandonné ses claviers, séquenceurs et ordinateurs, mais il a aussi abandonné ses guitares. Si l'on entend bien un peu (trop peu) de guitare acoustique, on n'entend évidemment plus du tout ses guitares électriques, ni aucun autre instrument rock ou folk (basse, percussions, instruments traditionnels non symphoniques).
Pour le fan des sons de Mike, cela donne une certaine sécheresse à l'album ; dans les morceaux les plus typiquement "oldfieldiens" de l'album (par exemple Aurora...), les reprises à la guitare électrique manquent cruellement... Sur le plan des émotions suscitées par l'album, il manque de fait les sensations intenses que produisaient les décollages et cris des guitares stridentes d'Oldfield. On parviendra ou non à s'en passer. Pour ma part, il m'est assez difficile de s'attacher totalement à un album dans lequel manquent ces sensations fortes.
Même si l'on reconnaît souvent dans Music of the Spheres la "patte" Mike Oldfield, l'interprétation de cette musique par un orchestre symphonique a tendance à standardiser la musique de Mike, à la banaliser et la ranger au niveau de musiques de film (même si beaucoup de musiques de film sont excellentes) et à lisser les caractéristiques qui rendaient la musique de Mike Oldfield unique en son genre.
Mike Oldfield, lorsqu'il a décidé de revenir aux longs instrumentaux complexes, semble avoir eu tellement peur de se pasticher lui-même qu'il a tenu à cette interprétation symphonique de sa musique, dans laquelle il aurait sans doute du laisser exprimer ses guitares électriques...
Les inévitables références et redites
Plusieurs fois on a le sentiment de ré-entendre des bribes de Tubular Bells 2 ou de The Wind Chimes.
Sur un forum, un internaute a relevé que l'introduction du morceau Aurora rappelait fortement (au moins par son rythme) le début de la part 3 d'Incantations.
Quant au morceau Shabda, il reprend complètement et décline le thème d'Excalibur, un morceau abandonné de The Millennium Bell (présent uniquement sur la version démo), dont une phrase musicale a cependant été laissée à la fin du morceau Broad Sunlit Islands de TMB (l'air à l'harmonica).
Tout ce système basé sur des références plus ou moins subtiles à ses autres oeuvres n'a rien de nouveau chez Mike Oldfield, comme le rappelle cet article. Il contribue quelque part à la profondeur de son oeuvre.
Par contre, plus regrettable est la reprise des deux moments emblématiques de Tubular Bells dans les morceaux Harbinger et Musica Universalis, qui pourrait faire entrer Music of the Spheres dans la série des Tubular Bells 1, 2, 3... 4 ! Tout cela est bien paradoxal de la part d'un artiste qui a affirmé ne pas vouloir refaire un album "rétrograde" en répondant aux voeux des fans qui souhaiteraient un album dans la veine de ceux des années 70...
En conclusion
Il est bien regrettable que Mike Oldfield ait poussé l'exercice "symphonique" au point de refuser l'entrée dans ce disque des guitares électriques et d'instruments nettements folkloriques. J'aurais sans doute trouvé cet album excellentissime et l'aurait rangé parmi les "grands classiques" s'il avait eu cet élément indispensable de tout album d'Oldfield qu'est le "son" Oldfield...
Son caractère exclusivement classique fait que j'écoute moins cet album que s'il avait eu un son rock. En particulier, je ne l'ai quasiment jamais écouté deux fois d'affilée... malgré un certain registre émotionnel propre à cet album (une douceur et un romantisme nouveaux, une certaine grâce) il lui manque définitivement les moments hautements voluptueux que possèdent les albums de Mike Oldfield où ses guitares électriques sont reines.
J'y trouve néanmoins la sensation de "retrouvailles" avec un Mike Oldfield inspiré, ce qui semble être ce qui ressort également des commentaires postés sur cet article.